FAUX
Sur le circuit automobile de Melbourne, le 28 mars dernier, les  pilotes de formule 1 pouvaient foncer la conscience tranquille. Le Grand  Prix d'Australie avait prévu de "compenser" le gaz carbonique émis par  les bolides. Concrètement, les organisateurs financeront des projets  écologiques contribuant à réduire les émissions de CO2 à proportion de  la pollution engendrée par la course. Idéal pour se racheter une  conduite.
Jean-Louis Borloo, le ministre de l'Ecologie, le  photographe Yann Arthus-Bertrand et quelques stars du cinéma agissent de  même quand ils prennent l'avion : 2 centimes d'euro par kilomètre  parcouru serviront à planter des arbres, à remplacer des centrales à  charbon par des fours solaires ou à bâtir des éoliennes. En réalité, ces  nouvelles "indulgences" tiennent du gadget (voir le numéro spécial de  Politis : "Voyager sans avion").
Une forêt plantée en 2010 ne sera efficace que dans 100 ans :D'abord,  la compensation ne peut pas fonctionner à grande échelle. Pour  l'instant, le "poids" du CO2 "capté" dans le monde par ce processus est  de 50 000 tonnes, l'équivalent de toutes les émissions de deux régions  françaises. Dans un monde de gentils "compensateurs", les bonnes  volontés individuelles pourraient représenter, en 2020, au grand maximum  7 % des émissions de carbone, d'après les calculs de l'organisation  Ecosystem Marketplace.
Les extrapolations du consultant Jean-Marc  Jancovici, spécialiste de l'effet de serre, confinent même à la déprime  carbonique : pour compenser les émissions de CO2 en excès, il faudrait  planter des arbres sur 15 millions de kilomètres carrés. Ou reboiser  quatre fois la superficie de l'Union européenne. "Cela implique de  planter sur des terres agricoles. Bon courage pour le chef de projet",  conclut Jancovici.
Conscients de cette limite, les compensateurs  se tournent maintenant vers le vent, et plantent des éoliennes. Un bon  substitut, mais les hélices prennent aussi de la place : il faudrait 1,5  million de mâts. "Vu les espaces nécessaires à la compensation, les  riches du Nord délocalisent leurs projets dans le Sud", regrette  Augustin Fragnière, chercheur en sciences de l'environnement à  l'université de Lausanne et auteur de La Compensation carbone : illusion  ou solution ? (PUF). Un sérieux problème de place, mais aussi de temps :  "Les compensateurs achètent des réductions de CO2 par anticipation. Une  forêt plantée de nos jours captera du carbone dans un siècle."
"La  compensation conforte les consommateurs dans leur philosophie hédoniste  : ils brûlent aujourd'hui chez eux et réparent plus tard ailleurs",  renchérit Augustin Fragnière. Et, un peu comme dans l'immobilier,  financer un puits de carbone "sur plan" peut réserver de mauvaises  surprises. Dans le cadre de sa tournée labellisée "neutre en carbone", en  2006, le groupe de rock Cold Play a financé la plantation d'une forêt  de manguiers dans le sud de l'Inde. A cause du manque d'eau, elle ne  piège que quelques grammes de carbone.
Il existe même de "faux"  projets. Plus précisément, l'annonce de compensations qui, en réalité,  ne sont que des projets déjà en cours de réalisation, alors que le  mécanisme de la compensation implique une création ex nihilo.
Selon  l'ONG International Rivers, 89 % des 400 projets hydroélectriques  chinois présentés comme des initiatives de compensation étaient presque  achevés. Autrement dit, la compensation n'est pour rien dans la  conception de ces barrages. Elle profite surtout à leurs concepteurs,  ravis de recevoir une aide. La compensation ne piège pas que le carbone.
extrait du site http://www.lexpansion.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire